Bonjour à tous,
Je reviens vers vous pour partager mes récentes expériences et présentations. J’ai beaucoup réfléchi à comment présenter le Low Tech dans le contexte universitaire américain. Après différentes itérations (classes, workshops, séminaires), je dis maintenant que le Low Tech est une alternative techno-critique par rapport à l’approche dominante techno-solutioniste, qui s’appuie essentiellement sur 2 piliers: sustainability and social justice. Je me suis rendu compte qu’utiliser une définition simple comme celle-là était le plus efficace pour atteindre une audience américaine: aux US il est souvent préférable d’aller au plus simple sans entrer dans des définitions trop « niches » qui demandent du temps à expliquer. De plus, il est plus efficace de « capitaliser » sur des notions qui ont déjà le vent en poupe comme « social justice », gros buzz word dans les universités américaines en ce moment. Dans un deuxième temps, j’explique ce qu’il y a dans les « umbrella terms » de sustainability (local, resilient, circular, discerned…) et de social justice (accessible, convivial, desirable…).
J’étoffe ensuite mon « pedagogical framework » dans le contexte américain.
- Il faut s’assurer que les élèves comprennent bien ce qui se passe avec le changement climatique (selon une étude récente, seulement 30% des étudiants en ingénierie aux US comprennent bien la crise climatique). Pour ça, j’utilise la Fresque du Climat: je travaille avec eux aux US pour déployer la Fresque sur les campus américain (j’ai lancé un Climate Education Kick-Off à Duke University, et ça a un grand succès! - ça consiste à former les profs et étudiants intéressés à devenir facilitators pour qu’ils organisent des Fresques dans leurs classes par exemple. Beaucoup à dire juste sur la « climate change literacy » aux US si ça intéresse certains d’entre vous.)
- Les étudiants demandent clairement plus de hands-on action-based learning. En s’inspirant de ce qui se fait à Grenoble, je propose d’utiliser des Low Tech pour enseigner les fondamentaux de l’ingénierie (e.g. électronique avec la construction d’une lampe solaire). Ca aide à ré-engager les étudiants dans leur cursus, en voyant un intérêt pratique et sociétal à ce qu’ils apprennent (une autre étude montre que les étudiants américains tendent à se désengager de leurs études d’ingénierie s’il n’y a pas assez de focus sur le public welfare). J’organise des solar lamp workshops au makerspace de Duke et les étudiants aiment beaucoup - je collabore avec une nonprofit qui recycle l’électronique, je leur ai acheté des vieilles batteries d’ordinateur pour les piles).
- Aux US, le souci numéro 1 des étudiants c’est de trouver un bon travail après leurs études, d’autant plus vu le prix de leurs études. Donc il faut aussi ancrer l’enseignement Low Tech dans les perspectives professionnelles. Pour cela, je fais le lien avec l’économie circulaire (ça va être un gros marché, plein de nouveaux boulots à la clé…). Ca serait une autre discussion à part entière, mais ce focus complémentaire est assez efficace, d’autant que le sujet de la décroissance est tabou aux US… A ce sujet, j’espère pouvoir créer des nouvelles classes d’économie circulaire dans le cadre de mon prochain job de prof (gros marché, pas encore vraiment arrivé aux US certes, mais pas de formation disponible aux US!)
En somme, j’ai construit ce projet pédagogique petit à petit en me basant sur les carences du système américains et pour que différents types d’acteurs y trouvent leur compte (social justice, business, entrepreneurs, « woke »/« anti-woke »…) et anticiper les potentiels reproches. Avant tout, il s’agit de surmonter la polarisation du débat (extrême aux US) autour de ces thématiques. Cela m’a forcé à adapter ma présentation du Low Tech dans différents contextes.
Par exemple, j’ai fait un séminaire il y a 2 semaines à l’université du Nebraska (les universités en général sont très Democrat mais un Etat comme le Nebraska est très Républicain de par ses communautés rurales) - je dirais que c’était le 1er séminaire Low Tech aux US! En gros, le Nebraska a une énorme agriculture intensive et une grosse industrie de construction, et donc j’ai essayé de faire le lien avec ces domaines. J’ai eu que des bons retours, en tout cas pas de critiques (il y avait profs et élèves dans l’audience). Toutes ces idées sont très nouvelles pour les gens en général mais en expliquant avec des arguments qu’ils aiment entendre (donner des chiffres plutôt que des idées philosophiques, big business opportunities, big demand from students, social justice, …), je trouve que les gens sont assez réceptifs.
Pardon pour le pavé mais il y a beaucoup à dire sur le sujet, d’autant plus dans le contexte américain
Pour ceux que ça intéresse, je joins les slides de mon séminaire de 40min (j’ai enlevé les slides non pertinentes), le pitch/résumé du séminaire, et ma présentation de 15min introduisant mon solar lamp workshop:
https://drive.google.com/drive/folders/1pq_Fxx6xCNJ3W2brEe78QNezFdyTfjmH?usp=share_link
Tout retour/question sera le bienvenu.
Alex