Quelle définition pour les low-tech au sein de LowTRE?

Quelle définition commune peut-on donner aux low-tech au sein de cette communauté, dans le sens de ce que la communauté académique peut apporter à ce concept ?

Pour rappel, et peut-être comme point de départ, le LowTechLab propose la définition suivante : utile (répondant à un besoin essentiel), durable (robuste, réparable, recyclable, avec un impact écologique et social du produit et de son usage optimisé sur le cycle de vie), accessible (en terme économique & de complexité technique). Philippe Bihouix parle quant à lui de technologies sobres sur tout leur cycle de vie, simples, durables et basées sur un savoir et travail humain digne.

Le sujet est bien entendu très vaste, n’hésitez pas à proposer vos visions pour que nous puissions peu à peu nous approcher d’une définition commune.

Bonjour,
Pour alimenter la discussion, j’ai une définition des low-techs héritée de deux sources distinctes, mais qui se rejoignent :

  • une technologie low-tech recoupe assez bien le concept de « convivialité » d’Ivan Illich : elle nous permet de transformer le monde, mais dans les limites d’un monde à l’échelle de l’individu (ou de sa communauté) ; elle nous donne accès à la création de valeurs d’usage (elle nous rend autonomes) ; et elle nous permet de créer, en la modifiant, en la transformant.

  • le texte suivant d’Olivier Rey (chercheur CNRS) dans l’article « Démesure » du Dictionnaire de la Pensée Ecologique :
    " La technique est bonne lorsqu’elle sert l’épanouissement et la fructification
    de l’humain, mauvaise quand elle leur nuit. Et l’être humain s’épanouit et fructifie dans
    un cadre à sa mesure, qui lui est proportionné. Proportion entre les moyens et les fins,
    d’une part (pas de déchaînement technique pour remplir des tâches frivoles, ou qui
    pourraient être accomplies plus simplement), proportion entre les fins poursuivies et les
    facultés de l’être humain, d’autre part (ce que permet la technique doit demeurer
    commensurable avec les facultés humaines ; sans quoi, la technique humilie, asservit et
    défait l’homme au lieu de lui être bénéfique). Notons que ce principe ne met aucune
    limite à l’ingéniosité humaine ; seulement cette ingéniosité, au lieu de s’investir dans la
    recherche d’une puissance sans cesse accrue, s’attacherait à augmenter ce que les
    personnes et les communautés sont capables de faire par elles-mêmes."
    Ce texte ne se réfère pas explicitement aux low-techs, mais je trouve qu’il les définit bien.

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Bonjour,
Dans les approches dites « low tech », figurent souvent les solutions dites « traditionnelles » et « basées sur la nature ». Elles peuvent correspondre aux critères de réparabilité, d’impact écologique et de réponse aux besoins essentiels évoqués pour définir le low tech.
Certains auteurs anglo-saxons ont utilisé un jeu de mot sur low tech, avec la notion de lo-TEK.
TEK pour Traditionnal Ecological Knowledge. En français : CET pour Connaissances Ecologiques Traditionnelles.
Extrait traduit avec deepl :
Définition pratique des TEK/CET
Les connaissances écologiques traditionnelles, également appelées par d’autres noms, dont les connaissances indigènes ou la science indigène, (ci-après, CET) font référence à l’évolution des connaissances acquises par les peuples indigènes et locaux au cours de centaines ou de milliers d’années par contact direct avec l’environnement. Ces connaissances sont spécifiques à un lieu et comprennent les relations entre les plantes, les animaux, les phénomènes naturels, les paysages et le calendrier des événements qui sont utilisés pour les modes de vie, y compris, mais sans s’y limiter, la chasse, la pêche, le piégeage, l’agriculture et la sylviculture. Les CET sont un ensemble de connaissances, de pratiques et de croyances qui s’accumulent, évoluent par des processus adaptatifs et se transmettent de génération en génération par transmission culturelle, sur les relations des êtres vivants (humains et non humains) entre eux et avec l’environnement. Il englobe la vision du monde des peuples indigènes, qui comprend l’écologie, la spiritualité, les relations entre les hommes et les animaux, etc.


Egalement, ce livre de 2019 : https://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/architecture/all/04698/facts.julia_watson_lotek_design_by_radical_indigenism.htm
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Bonjour,
C’est un article intéressant, je ne connaissais pas la notion.
Il me vient deux remarques / interrogations :

  • comment faire pour concilier ces TEKs avec l’approche économique de nos sociétés occidentales ? Il y a un côté, assumé dans l’article, on va collecter les connaissances, les prendre au sérieux (c’est déjà bien), et on prendra des décisions nous, avec nos connaissances occidentales. En gros, on respecte les « indigènes », on les écoute, mais la décision nous revient car nous sommes les seuls détenteurs de la compréhension globale (et surtout les seuls à y voir un impact économique).
  • avons-nous, en Europe, des projets en cours ou passés de collecte des savoirs et savoir-faire paysans et artisanaux ? La recherche scientifique occidentale est totalement liée à l’industrie. Le savoir-faire artisanal en d’autant plus absent que les politiques publiques de financement de la recherche se focalisent sur l’intérêt économique. A l’échelle de l’Europe, ce sont les KET ! (« Key Enabling Technologies (KETs) are investments and technologies that will allow European industries to retain competitiveness and capitalise on new markets. The Industrial Technologies Programme (NMP) focuses on four KETs: nanotechnologies, advanced materials, and advanced manufacturing and processing (production technologies) and biotechnology. »)
    C’est tout de même amusant de retrouver un acronyme aussi proche pour désigner l’inverse, non ? :wink:
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Oui, cela arrive parfois. Par exemple https://www.alpine-space.eu/projects/alpfoodway/en/home
C’est plutôt porté par des politiques de développement local et de valorisation du patrimoine. L’approche est principalement culturelle, mémorielle et « folklorique ». La valorisation économique passe par les secteurs du tourisme et de l’évènementiel.
Il me semble que monde associatif et le secteur informel tentent de faire perdurer certaines TEK européennes (par exemple permaculture, écoconstruction…). Mais en France, l’essentiel a disparu avec la fin du XXème siècle.

Je trouve le potentiel neocolonialiste de cette phrase complètement rebutant. Est ce que pour une fois, l’occident ne pourrait pas essayer de consentrer ses efforts sur la réduction de sa gigantesque empreinte aulieu d’essayer « d’éduquer » le reste du monde ? Reste du monde qui d’ailleurs a pour sa grande majorité une empreinte environnementale nettement inférieure à la notre.

Je vais me répéter, mais si l’objectif est de « revenir à l’intérieur des limites planétaires » alors l’approche économique de nos sociétés occidentales est strictement incompatible avec cela ! Si ce n’est pas le bon objectif, il faut alors préciser quel serait ce objectif.

je connais ça : https://latelierpaysan.org/ Je suppose qu’ils ne sont pas les seuls mais je n’ai pas cherché plus loin.

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C’était manifestement mal exprimé de ma part, parce que ce que je voulais dire était précisément que je vois du néocolonialisme dans la démarche. Je voulais critiquer ce que je lisais en le reformulant. Et ce que je lisais était « nous, les dominants, on prendra les décisions à la fin, avec nos critères, les seuls que nous acceptions. »

Tout à fait d’accord. Là encore, je me suis mal fait comprendre, j’essaierai d’être plus direct la prochaine fois :wink:
La question que je posais était rhétorique. Non, je ne crois pas une seule seconde que notre système économique soit compatible avec les limites planétaires, puisque ce système économique ne connaît pas la notion de limites.

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Voila enfin une définition des low-techs qui fait l’effort de faire tenir ensemble les dimensions techniques et politiques : https://lapenseeecologique.com/6312-2/

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Je met en vrac des passages qui me semble intéressant pour des questions de recherche pour une société low-tech.

Une deuxième facette de la convivialité telle qu’elle a été définie plus haut est son lien avec la pérennité à travers la notion de résilience : une société qui présente de forts îlots d’autonomie vivrière et de nombreux outils conviviaux est plus résistante aux chocs extérieurs divers. On a pu voir récemment dans le cas de la crise mondiale de production d’automobile en raison d’une pénurie de puces électroniques l’influence délétère des réseaux denses, complexes, étendus et à flux tendus sur la résilience. Mais on peut également considérer que les réseaux étendus facilitent la résilience : dans le cas de l’alimentation, la création de réseaux étendus de transport de nourriture en Europe a permis de mettre fin au famines depuis le XXe siècle. Pour des études scientifiques de ce phénomène complexe, une première approche pourrait consister à retracer les réseaux de dépendances, à la fois en nombre de personnes et en distance, de l’utilisateur d’une technologie : combien de personnes ont contribué à sa fabrication ? A quelle distance se situent-elles ? A quelle distance se situe la première personne capable de la réparer ? Réfléchir à la sensibilité de ces réseaux à des événements extérieurs et du lien entre la résilience globale de la société et la convivialité des outils est un champ de recherche scientifique en low-tech qui nous paraît intéressant.

Cette définition des low-techs ouvre ainsi la voie à une recherche rationnelle sur la pérennité des systèmes socio-techniques… Actuellement, un futurologue « optimiste » considérerait peut-être que la société numérique pourrait être maintenue pendant des millénaires, et qu’un système socio-technique contenant des ordinateurs très sobres, réparables et robustes serait pérenne. Un futurologue « pessimiste » pourrait considérer qu’il n’est même pas sûr qu’un système technique pérenne contienne l’électricité (qui est née après la révolution industrielle). Ainsi, actuellement, la frontière entre high-tech et low-tech est laissée à la libre appréciation et l’intuition de chacun, dépendant surtout de la vision à long-terme du futur technologique de l’humanité. Trancher entre ces deux intuitions sur des critères plus rationnels, sur la base d’études et de modélisations scientifiques, tout en impliquant les citoyens dans ces discussions permettrait d’éclairer le débat public sur ce à quoi ressemblerait réellement un système socio-technique pérenne, équitable et convivial.

Ensuite, directement dans l’artilce, la partie intitulée « les différentes pistes envisagées ».

Ensuite ils parlent de la métallurgie solaire low-tech (qui devrait intéresser @emlaurent si il ne les connait pas déjà ^^).

Sur cette partie et dans l’article j’en retiens une chose que j’ai du mal à faire comprendre il me semble : Le sujet des low-tech tourne autour d’une/ des sociétés low-tech possibles dans le sens où c’est l’ensemble du système technique qu’il faut étudier pour le rendre low-tech et non pas un seul artefact/ ouitl/ machine.

Je trouve qu’ils le mettent bien en avant dans la deuxième partie de l’article !

Enfin, cela me fait penser qu’une cartographie des technos évoquées dans l’article serait intéressante ^^

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