Les lowtechs sont-elles positionnées politiquement?

Évidement on peut partir du principe que, dans ce forum, on cherche tous à rendre notre vie et/ou celles de nos concitoyens meilleure. Et du coup la question pour les Lows-Techs devient : « En quoi les Lows-Techs peuvent-elles nous apporter une vie meilleure ? »

On peut faire 2 constats :

  • Le Low-Tech ne fera jamais « aussi bien » (en terme d’efficacité matière, ou de qualité de service rendu) que les technologies industrielles, et je ne connais personne qui cherche à faire des lowtechs pour cette raison.

  • le corollaire est que à performances techniques égales, une solution Low-Tech génère (en général) une plus grande empreinte environnementale qu’une solution industrielle (l’objectif d’une solution industrielle est son efficacité par unité de produit/service/solution).

Si l’objectif des Lows-Techs n’est pas quantitatif au niveau des besoins/désirs à satisfaire, quels pourraient être ces objectifs ?Je vois 2 catégories de réponses habituelles :

1 - permettre au citoyen de se réapproprier la technologie ?

Ok mais pour quels besoins ? Est ce qu’on est certain que permettre à des Malgaches de se construire eux-même une hydrolienne est une bonne idée ? Est ce que «éclairer l’Afrique » est une bonne idée ? Est ce que ca ne participerai pas un peu plus à « anthropiser » le monde ? D’autre part, est ce que le tréfilage du cuivre (https://youtu.be/5yo_qHH9s7w) nécessaire au bobinage de la machine électrique de l’hydrolienne est vraiment « low tech » ?

D’autre part, il faut assumer (je suis totalement favorable à cela) la portée politique de ce message. Il faut être clair sur le fait que les questions de souveraineté technologique sont nécessairement positionnées dans le camp anti-capitaliste car cela vise directement à rompre la dépendance du travailleur vis à vis du propriétaire des moyens de production.

2 - Diminuer les impacts environnementaux globalement.

Comme les Lows-Techs sont plus impactantes à produire (voir plus haut), il faut imaginer compenser cela ailleurs : réparation, durée de vie, matériaux secondaires, …

Ok, mais c’est quoi le critère qui fait dire qu’on a réussi ?

Pour moi, un bon critère serait « rentrer dans les limites planétaires » et pour ça les propositions misants sur l’efficacité technologiques ne me semblent pas à la hauteur. D’une part car une analyse thermodynamique montre qu’il y a une contradiction indépassable entre les objectifs de croissance du PIB et la diminution des impacts : la croissance verte est du greenwashing (Cf. Jancovici ou https://eeb.org/library/decoupling-debunked/). D’autre part, empiriquement, on constate très souvent un effet rebond lié à ce gain d’efficacité.

Il est donc nécessaire d’être plus ambitieux et envisager faire décroitre le coté « besoins ». Peut être que la dessus les low-techs peuvent aider…

Cependant, pour le moment, de ce coté besoins on est pas bien engagés, car l’idéologie capitaliste libérale (même pas néo) indique que tous les besoins sont légitime et que le marché libre est la meilleure façon de procéder pour trouver une solution pour combler chacun de ces besoins. Corollaire : l’approche économique libérale-capitaliste actuelle adopte une position morale implicite : il n’est pas question de limiter les besoins. Cela signifie qu’on ne peut pas compter sur « Homo œconomicus » pour organiser lui même la décroissance de ses besoins. Probablement pire, il va falloir nous débarrasser de lui. C’est a dire trouver d’autre forme d’organisation de la production et d’autres formes d’organisation sociales qui permettent le contrôle collectif sur les besoins légitimes de ceux qui ne le sont pas : la plupart des sociétés primitives sont organisée sur un mode ou le collectif prime sur l’individu. Et en ce sens, il faudra faire de la politique !

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Peux-tu préciser pourquoi l’empreinte lowtech est obligatoirement > à celle industrielle ? Je ne vois pas comment un rocket-stove peut être plus en empreinte qu’un Godin … Dans l’ACV de la production industrielle, il y a un facteur complexité et technologie important du au passage à l’échelle.

Je n’ai pas d’études sous la main avec une comparaison d’un même système technique LT & indus.
En revanche, dans le rapport du LTL sur l’habitat Low-tech, on trouve plusieurs études comparatives d’ACV entre des systèmes LT et des systèmes « indus » qui répondent au même besoin, et où le système LT a un ACV plus intéressant, par exemple celui du poêle de masse :

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Merci pour ce partage, quelques commentaires pour faire suite aux précédents et poursuivre la dynamique :

« Le Low-Tech ne fera jamais « aussi bien » que les technologies industrielles »
Ça dépend ce qu’on entend par « aussi bien ». En terme d’efficacité de la chaîne industrielle même à intrants et sortants constants, on peut sans doute en convenir, à cause de l’effet d’échelle notamment. Comme précisé dans les commentaires précédents, il faudrait voir sur le cycle de vie entier : par exemple si on profite de conception ouverte et production locale (Design global, manufacture local), on peut éviter le transport de produits finis, profiter de ressources et compétences locales,
rendre la techno sobre, accessible et réparable (bref le principe des low-tech je ne vais pas m’étendre, et tu l’évoques à la fin de ton papier) et sensibiliser les populations locales aux impacts bien locaux qu’ont ces technologies de leur conception à leur fin de vie, puisqu’ils y sont directement confrontés. Du coup d’après moi on peut avoir un meilleur bilan sur le cycle de vie à « service égal », mais pas à « produit égal ». Ça reste bien sûr à quantifier, les ressources du low-tech lab transmises par Kevin constituent de premiers éléments.
Quelques ressources biblio sur le sujet :

  • Pour les impacts environnementaux sur des cas d’études : Bonvoisin et al. Limits of ecodesign: the case for open source product development
  • Sur le production de communs pour la décroissances, le cas des éoliennes Pigott : Kostakis et al., The convergence of digital commons with local manufacturing from a degrowth perspective: Two illustrative cases

« est ce que le tréfilage du cuivre est vraiment « low tech » ? »
Je ne pense pas (c’est mon avis) qu’il faille rejeter les solutions non low-tech car il est à mon sens très difficile d’avoir une techno 100% low-tech. Même le meilleur tuto du LTlab est médiatisé via leur plateforme internet… Pour moi la démarche low-tech permet de pousser à fond les curseurs Utile Durable Accessible, ça peut difficilement être binaire.

« questions de souveraineté technologique sont nécessairement positionnées dans le camp anti-capitaliste »
Je ne m’y connais pas assez en science po pour être précis sur le sujet, mais je suis assez d’accord avec toi. Toutefois, je n’ai pas non plus envie de me priver des acteurs qui pourraient faire avancer la démarche low-tech, mais à qui cette vision anti-capitaliste ne conviendrait pas (et ils sont à mon sens nombreux). Sans être consensuels, ça me pose des questions (dont je n’ai pas la réponse aujourd’hui !).

Je voyais plutôt le problème dans l’autre sens, si on produisait le-dit rocket-stove avec des moyens industriels, ca en réduirait ses impacts environnementaux par rapport à celui qui serait produit « artisanalement » car, d’une part, les impacts des outils de productions seraient alloués sur un très grand nombre de rocket-stoves, et d’autre part, on ferai des économies d’échelles et on pourrait mettre en place des stratégies d’économies sur les ressources et les dechets plus facilement.
Ceci dit, je concède que ce n’est pas tellement une question de « lowtech » mais plutot une question de DIY, comme pointé également pas @lemassog ici.

Peut-être, ce qui me semble clair par contre, c’est que le « service égal » est une notion très subjective. Je suis plutot d’accord avec vous que le rocket-stove rend un service sensiblement égal au Godin, mais je suis également certains que d’autres seraient en désaccord total avec cette affirmation.

Je ne crois pas non plus qu’il faille être binaire entre low-tech et le reste ! Par contre, là ou ce que tu écris me parait délicat, c’est que tu semble (en tout cas c’est ma lecture) essentialiser les Lowtechs, c’est à dire les considérer bonne en-soi. Dit autrement, les lowtechs pourraient être un objectif : il faudrait à tout prix rendre la société entière lowtech !
Je pense au contraire qu’il ne faut pas confondre les objectifs (améliorer la qualité de vie, rendre les modes de consommation/production compatible avec les limites planétaires, réduire les inégalités, …) et les moyens (développer le lowtech, favoriser l’économie circulaire, faire changer les habitudes alimentaires, rendre l’avion ringard, etc.). On peut d’ailleurs constater que l’économie circulaire à fait sa « transition » d’un moyen vers un objectif, et on peut déjà constater pas mal d’effets rebond du à cela : globalement, augmenter taux de circularité de certains secteurs économique à eu pour conséquence d’augmenter la consommation et la production globale, ce qui a fait augmenter les pressions exercées sur l’environnement. Voir cet article de Arnsperger et Bourg (ici : https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/6-145.pdf ou là : https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2016-1-page-91.htm#).

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Du coup vos retours m’ont fait penser à un 3ème objectif qui pourrait être poursuivi par les démarche low-tech :

3- Fabriquer avec les restes / Construire sur les ruines.

J’ai l’impression que ce point là vient questionner la question du « passage à l’échelle ». Est ce qu’on pense rester à la marge ou dans les interstices du modèle dominant (dans ce cas byebye les limites planétaires etc.) ou est ce qu’on veut remplacer le système dominant ? Si c’est la seconde option, je pense qu’il est nécessaire de faire une détour (pas facile à lire) par Lordon (ici : https://blog.mondediplo.net/en-sortir-mais-de-quoi-et-par-ou ) et essayer de penser politiquement la division du travail.

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Pour préciser mon message précédent :

  • sur l’aspect non-binaire des low-tech : c’était simplement en réaction à la question : est ce que le tréfilage du cuivre est vraiment « low tech »? L’image des curseurs me permet d’avoir les idées un peu plus claires sur la démarche low-tech : comment la qualifier, la mettre en pratique, la critiquer.
  • sur l’idée d’essentialisation des low-tech : ce n’est pas ce que j’essayais d’exprimer ici, mais ton retour est très intéressant ! Les valeurs d’utilité, accessibilité et durabilité des technologies me paraissent faire partie d’objectifs louables pour la recherche, l’enseignement et en définitive la société, et les low-tech font a priori partie des moyens pour aller dans le sens de ces objectifs. Mais tu as raison de le souligner, l’idée n’est pas (à mon sens) de pousser pour rendre la société entièrement low-tech, mais plutôt de considérer des solutions low-tech là où elles semblent pertinentes : en définitive, faire un choix raisonné dans la conception et l’usage des technologies au regard des objectifs que l’on poursuit.

En tous cas ce garde-fou que tu poses face à la confusion entre les moyens et les objectifs me paraît très pertinent, et à garder en tête dans nos démarches sur ce forum, dans cette communauté et au delà.

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Je prépare un peu la journée d’octobre, et du coup en relisant cela, je me rends compte qu’il y a un truc qui me chatouille ici… :wink: J’ai l’impression qu’ici encore tu confonds des objectifs (Utilité, Accesibilité, Soutenabilité, Résilience, …) avec des moyens (la démarche low-tech). Il est tout à fait probable que des acteurs capitalistes/productivistes puissent se saisir d’une démarche low-tech (voir l’exemple de Decathlon ici ou ou surement plus controversée ici ). Est ce que les objectifs de ces démarches sont l’utilité, l’accesibilité, la soutenabilité, la résilience, etc. J’ai un gros doute ! Est ce que ce genre d’initiative participe à développer la démarche low-tech qui t’intéresse ? Est ce que ça fait partie des utilisations de la low-tech qui te font envie ? Moi pas du tout !